M. Lahbaïri, B. Mazari, M. Abdallah et C. Cherfi /// Les Potagers, Nanterre

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Cette série podcast de The Funambulist en français est dédiée aux histoires et aux luttes des quartiers populaires de France et des colonies d’outremers. Des Minguettes de Vénissieux à la Cité Pierre Lenquette de Nouméa, des Bosquets de Montfermeil aux Flamants de Marseille, du Firminy Vert au Chaudron de Saint-Denis La Réunion, notre objectif est de prendre une modeste part à la transmission intergénérationnelle de l’histoire des luttes des quartiers. Afin de ce faire, nous avons décidé de partir du particulier (un seul quartier par épisode) pour arriver au général dans les similitudes que ces conversations ne manqueront pas de générer. Comme pour tous nos autres projets, notre espoir est de cultiver les formes de solidarité entre initiatives politiques prises à l’encontre des structures racistes et coloniales. Ecoutez les autres épisodes en suivant ce lien.

Pour ce septième épisode, nous allons à Nanterre. Nanterre, c’est un petit bout d’Algérie en région parisienne et c’est un pan d’histoire que nous vous proposons de retracer dans cette conversation. La Folie, la Rue de Lens, le Pont de Rouen, les Pâquerettes, la Rue Dequeant, la Rue des Bels Ebats et la Rue du Pré. Les sept bidonvilles que comptait la ville ont été le lieu de vie de nombreux Algériens et Algériennes dans la deuxième partie de la Révolution algérienne et notamment au moment d’octobre 61, ainsi que dans les années qui ont suivi. Au moment de leur destruction par l’État français au cours des années 60, un certain nombre de leurs habitant.e.s ont été relogé.e.s dans des cités HLM mais beaucoup d’autres se sont vus attribuer un logement en cités de transit.

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Enregistrement de la conversation le 3 août 2020. / Photo par Marianne Bureau (4 août 2020).

Les cités de transit: Gutenberg, André Doucet, Pont de Bezons, les Grand Prés, la Folie, les Marguerites et… les Potagers. Leur urbanisme n’a pas grand chose à envier à un camp, sans espace de socialisation et aux entrées contrôlables. Ce contrôle est d’ailleurs souvent confié à des anciens de la contre-révolution coloniale en Algérie. Le règlement intérieur est drastique. Celui-ci (je cite Mogniss H Abdallah dans un article qu’il avait écrit pour le 21ème numéro de The Funambulist à ce sujet) “interdit à l’occupant, logé à titre précaire, provisoire et momentané, d’héberger une ou plusieurs personnes sans autorisation de la société gestionnaire”. La plupart d’entre elles ne devaient pas durer plus de cinq ans; leurs habitant.e.s y ont finalement vécu pendant 15 ans. Les Marguerites et les Potagers, elles, sont construites en dur. Les Marguerites, en bordure de l’autoroute A86 sera détruite en 1995. La Cité des Potagers, elle, arrive au terme de sa vie en 2020 et le permis de démolir a été apposé sur ses murs la semaine dernière.

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Enregistrement de la conversation le 3 août 2020. / Photo par Marianne Bureau (4 août 2020).

Avec Mogniss H. Abdallah, nous souhaitions réaliser ce podcast sur place, en compagnie d’une des toutes dernières habitantes, Mabrouka Lahbaïri, militante associative et sœur de Belkacem Lahbaïri militant et acteur qu’on voit dans le film “Les Potagers, autopsie d’une cité” réalisé par l’Agence IM’media en 1987, un ancien de la cité, Boubakar Mazari et un militant de longue date dans tous les bons coups à Colombes et Nanterre, Cherif Cherfi. Nous étions tous cinq assis à une petite table au milieu de la cité, en compagnie également d’Hajer Ben Boubaker, invitée du premier épisode de cette série dédiée aux Quartiers Populaires. Avant de débuter, je vous signale que la page de cet épisode sur le site de The Funambulist regroupe de nombreux documents permettant de comprendre la situation des Potagers et je vous invite donc à consulter celle-ci. Très bonne écoute à vous de ces témoignages qui nous apparaissaient comme cruciaux à recueillir avant cette énième démolition de lieux de vie et de lutte de l’immigration en France.

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Carte de Nanterre en 1961 par Léopold Lambert.

Présentation du film “Les Potagers, autopsie d’une cité” par l’agence IM’media (1987) ///

Mars 1987. Les Potagers, cité de transit à Nanterre construite au début des années 60, gérée par la Logirep ou par la Sonacotra (aujourd’hui Adoma), a été requalifiée « résidence », et les habitants obtiendront le statut de locataires. Mais sur les 60 familles qui y habitent, 40 ont déclenché une grève des charges depuis 3 ans pour dénoncer l’absence d’entretien, les problèmes de chauffage et la suppression des aires de jeu pour enfants. Sans oublier le renfermement de la cité : coincée entre l’autoroute et l’hospice des indigents et des vieux (aujourd’hui Centre d’accueil et de soins hospitaliers (CASH), la cité est entourée d’un mur la séparant de pavillons habités par des gens qui se plaignent sur le mode « moi je ne sais plus où je suis chez moi ». Pas de dialogue possible, affirment-ils, tandis que des bergers allemands aboient…

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Hajer Ben Boubaker et Mogniss H. Abdallah exhibant les archives des deux Fêtes des Cités de 1986 et 1987. / Photo par Léopold Lambert (2020).

Des jeunes ont pris la relève des anciens, monté une association avec comme objectif prioritaire le relogement décent des familles qui le veulent, sur le lieu de leur choix, la rénovation de la cité pour celles qui entendent rester et l’embauche des jeunes sur le chantier. Ils reçoivent des jeunes d’autres cités, dans l’esprit du Comité de coordination des cités de transit lancé en 1982 par les ami-e-s d’Abdennbi Guémiah à la cité Gutenberg (Nanterre). Ils organisent la Fête des cités dans un gymnase désaffecté jouxtant les Potagers, avec au programme la très populaire chanteuse de raï Cheikha Rimiti, un gala avec Djamel Mehadji, champion de France de boxe thaï issu de la cité etc. Belkacem Lahbaïri, alias Baba, ancien de la troupe de théâtre Week-end à Nanterre et président de l’association, trouve encore du temps pour se consacrer à Koko Bonbon, un spectacle pour enfants, ou encore pour participer avec son frère Habib aux mobilisations étudiantes, notamment après la mort de Malik Oussekine et d’Abdel Benyahia. Il faut dire que la cité est proche de la fac Paris X, construite à proximité de l’emplacement des bidonvilles dont sont issus les habitants de la cité…

Contact : [email protected]


La cité des Potagers à quelques semaines de sa démolition.
Photos de Léopold Lambert (août 2020) ///

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Evolution de la Cité des Potagers et de son contexte urbain entre 1961 et 2020. / The Funambulist 2020.
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La petite allée à l’arrière de la cité en 1987 (photo par l’Agence Im’media) et en 2020 (photo par Léopold Lambert).
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Boubakar Mazari montrant une photo de l’Agence IM’media de la cité dans les années 1980.
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Monsieur Betka et le jeune Dimia.
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Mabrouka Lahbaïri montrant une photo de l’Agence IM’media de son frère, Belkacem Lahbaïri, au même endroit où celle-ci fut prise dans les années 1980.
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Pour accompagner la carte que nous avons créée pour cette série, Hajer Ben Boubaker, notre première invitée nous a généreusement envoyé une playlist accompagnant cette géographie des quartiers. Vous pouvez écouter celle-ci en suivant ce lien. 

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