Following the last article about Fortress Paris, I would like to introduce the book Paris sous Tension (Paris under tension) written and edited by Eric Hazan, director of one of my very favorite publishers, La Fabrique. The book is written in French, and I will quote extensive excerpts in this article but I will also try to summarize in English their object. Its various chapters explore Paris from 1814 to its contemporary era -the book was published in 2011- through the narrative of a continuous conflict between the intelligentsia who are designing the city associated with its means to maintain the order on the one hand, and the proletariat who has to survive and empower itself despite this urban organization. In this regard, it can be compared to the more recent book Rebel Cities written by David Harvey and that I have been writing about in a previous article. For the purpose of this short review, I will organize the excerpts in eight small chapters that are not related to the book’s own organization:
Chapter 1: The Labyrinthine Poor Districts in the beginning of the 19th century
District near the City Hall in 1839
In the following excerpt E.Hazan describes how the urban organization of Paris in the beginning of the 19th century has been favoring the defense of insurrections against the suppressive forces. As I have been describing in many articles (see the comparison between Algiers and Manhattan for example), the more a city owns a sinuous and labyrinthine street network, the more its people will be able to defend itself against a professional army or police. After 1848 however, the Haussmannian renovation of Paris started and affected -on purpose- many of those defensive characteristics and thus participated to the slaughter of the Paris Commune in 1871.
le quartier tout entier sert non pas de simple cadre mais de terrain accueillant a l’insurrection : le labyrinthe des rues interdit les charges de cavalerie, les femmes nourrissent les combattants et soignent les blesses, les enfants aident à couler le plomb en balles. Et les hommes, qui ont fait leurs armes en juillet 1830, servent sur les barricades. P69
Hazan Eric. Paris sous Tension. La Fabrique, 2011.
Chapter 2: The 1848 Revolution
Painting by Henri Felix Emmanuel Philippoteaux
The third French Revolution (after 1789 and 1830) of 1848 is probably the less well-known of them although it provoked many others in Europe right after it occurred. E.Hazan quotes Alexis de Tocqueville who has been greatly impressed by the proletarian forces although he was a representative in charge of maintaining the royalist army troops’ moral. The author attributes the lack of interest for this revolution to the fact that it was essentially a proletarian one without the help of the republican bourgeoisie as it occurred in 1789 and 1830.
Une insurrection foudroyante, « la plus grande et la plus singulière qui ait eu lieu dans notre histoire et peut-être dans aucune autre : la plus grande, car, pendant quatre jours, plus de cent mille hommes y furent engages et il y périt cinq généraux ; la plus singulière, car les insurgés y combattirent sans cri de guerre, sans chefs, sans drapeaux et pourtant avec un ensemble merveilleux et une expérience militaire qui étonna les plus vieux officiers ». C’est Tocqueville qui le dit dans ses Souvenirs, et il sait de quoi il parle il était l’un des soixante députés envoyés remonter le moral des forces de l’ordre et il fut témoin aux cotés de Lamoricière, de l’attaque des barricades de la rue Saint-Maur. Le 160e anniversaire de cet événement n’a pas été relèvé par grand monde, que je sache. Ce n’est pas nouveau : depuis un bon siècle et demi, les journées de Juin sont occultées, plongées dans l’oubli, y compris chez ceux qui sont censés défendre la mémoire du peuple.
A ce refoulement, on peut trouver au moins deux raison. La première tient à la nature même de cette insurrection : elle fut menée par le prolétariat parisien absolument seul. La bourgeoisie républicaine resta stupéfaite, quand elle ne participa à la lutte au cote de l’ordre. « Ils craignaient, écrit Tocqueville, que la victoire des ouvriers leur devint bientôt fatale. » P63
Hazan Eric. Paris sous Tension. La Fabrique, 2011.
Chapter 3: 1940-1945, the Nazi occupation
In 2008, the Paris History Library organized an exhibition entitled Les Parisiens sous l’Occupation (Parisians under the occupation) which displayed photographs of André Zucca who was an official photographer for the Nazi propaganda. This show provoked a scandal for that it was showing Paris hosting a relatively normal daily life. E.Hazan sees in this scandal the discomfort of the Parisian bourgeoisie who accommodate itself to the life under occupation and had to live surrounded by Nazi officers and soldiers when the resistance was actively organized in the Eastern part of the city where the lower social classes lived and where the Nazi were not going.
les responsables de l’exposition ont eu la cruauté involontaire de faire un accrochage par quartiers, ce qui dévoile la vérité sur la présence de l’armée allemande à Paris. Les terrasses des cafés des Champs-Elysées sont pleines, et les officiers s’y promènent aussi tranquillement que s’ils étaient sur le Kurfurstendam. Les belles dames sont sans doute les mêmes qui, trois ou quatre ans auparavant, acclamaient le triomphe de Daladier a Munich et criaient sur les trottoirs de l’avenue « Les communistes sac au dos, les Juifs a Jérusalem » […]
Dans les quartiers populaires, au contraire sur les photos de Zucca on ne voit pas un seul soldat allemand. Ni aux Halles, ni a Ménilmontant, ni a la République, ni a Belleville, ou il a pris une belle vue de foule entre le café La Vielleuse et son pendant de l’autre cote de la rue de Belleville, Le Point du Jour. C’est simple : dans ces quartiers-la, les Allemands n’y allaient pas, ni en touristes, ni même en voitures et en armes – il y avait la police française pour ca. C’était le Paris de la Resistance. P93-94
Hazan Eric. Paris sous Tension. La Fabrique, 2011.
Chapter 4: The Names of the Streets
La Rue des Blancs-Manteaux (street of the white coats) still exists in Paris.
This short chapter is a nostalgic look at the names of streets when the latter were not embedded within a system of political allegiance to one side or another but rather in the poetic celebration of a vernacular aspect of the given street.
Pendant très longtemps, les rues ont porte des noms qui n’avaient rien de politique. Rue des Lavandières-Sainte-Opportune, rue Git-le-Cœur, rue du Chat-qui-Pêche, rue des Blancs Manteaux, ces noms poétiques, qui se lisent dans les quartiers datant du Moyen Age ou de l’Ancien Régime, étaient lies à un caractère, à un détail particulier de la rue. P103
Hazan Eric. Paris sous Tension. La Fabrique, 2011.
Chapter 5: The Contemporary Border: the Boulevard Périphérique
Bing bird view of the Porte de Bagnolet. Paris is on the foreground and Bagnolet and Montreuil are on the background
As evoked in the last article, the Boulevard Périphérique is the new materialization of Paris’ fortifications. It splits the suburbs from the center of the city, thus maintaining a social breakage between inside and outside. E.Hazan also insists on the racialization of poverty as many immigrants from North Africa and East Europe end up living in suburbs that have been abandoned from the scope of work of the successive governments. He insists on the perfidy that pushes the technocracy to dress-up the no-man land between the suburb and Paris with office buildings and ‘sustainable’ lands of grass that he calls ‘ecological puddle’ which are a sign that imagination quit this job.
Vers 2000, j’écrivais qu’« il faudrait un Hugo pour faire le parallèle entre la porte de la Muette et ses marronniers roses, somptueux embarcadère pour Cythère, et la porte de Pantin, infranchissable barrage de béton et de bruit, ou le boulevard périphérique passe au ras des tètes avec sous lui le boulevard Sérurier enfoui dans une hideuse tranchée, ou l’herbe pelée du terre-plein central est jonchée de papiers gras et de cannettes de bière, et ou les seuls êtres humains a pied sont des natifs de Lvov ou de Tiraspol qui essaient de survivre en mendiant au feu rouge. » La situation n’a guère change. Le fossé Paris-banlieue reste béant dans ce secteur pour des raisons qui sont politiques. La population actuelle de l’ancienne « ceinture rouge » de Paris (depuis Ivry et Vitry au sud jusqu’à Saint Denis et Aubervilliers au nord) est majoritairement composée de Noirs et d’Arabes, ceux-là mêmes (ou leurs frères) qui ont été chasses par la rénovation et la hausse des loyers. Ce processus est d’ailleurs bien dans la ligne de l’histoire de Paris ou, depuis le Grand Renfermement de 1657 qui fit disparaitre les pauvres, les déviants et les fous dans les bâtiments de l’Hôpital général, l’action conjuguée des urbanistes, des promoteurs et des policiers n’a jamais cesse de pousser les pauvres, les « classes dangereuses » plus loin du centre de la ville. P17
Aujourd’hui se pose une difficile question : comment effacer la dernière en date mais non la moins redoutable de ces enceintes, le boulevard périphérique ? Par le passe, le processus n’était qu’une variation par rapport a ce que décrit Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris : « Les maisons se pressent, s’accumulent et haussent leur niveau comme l’eau dans un réservoir. Elles commencent a devenir profondes, elles mettent étages sur étages, elles montent les unes sur les autres, elles jaillissent en hauteur comme toute sève comprimée, et c’est a qui passera par-dessus ses voisines pour avoir un peu d’air. La rue de plus en plus se creuse et se rétrécit ; toute place se comble et disparait. Les maisons enfin sautent par-dessus le mur de Philippe Auguste et s’éparpillent joyeusement dans la plaine sans ordre et tout de travers, comme des échappées. » Même s’il est devenu malaise, dans la plaine qui entoure Paris, de s’éparpiller joyeusement, l’idée de faire éclater les vingt arrondissements – qui tiennent depuis un siècle et demi – est conforme a l’histoire de la ville.
La première difficulté est physique : elle tient à la largeur de l’espace qui sépare Paris de la banlieue, entre les derniers bâtiments de la capitale et les premiers des communes qui l’entourent. Il y a la un vide de plusieurs centaines de mètres ou se juxtaposent malencontreusement deux emprises parallèles, celle des anciennes fortifs, parcourue par le boulevard des maréchaux et faiblement urbanisée par la ceinture des HBM des années 1920-1930 (les habitations a bon marche, ancêtres des HLM), et celle du boulevard périphérique, encore plus désertique.
[…]
Admettons que les HBM du boulevard Mortier soient le bord extrême de Paris, bien qu’ils composent un ensemble articule par de fausses rues désertes. La distance qui les sépare des premiers bâtiments des Lilas est de prés de 200 mètres. Et ces premiers bâtiments, orientes parallèlement au périphérique enterre, sont de grands immeubles de bureaux dans le pire style pseudo tout ce qu’on voudra, caractéristique des années 2000. L’inquiétude grandit quand on apprend par les affiches qu’il est prévu de combler l’espace par un jardin « ou la présence la nature s’affirme, sous le signe du développement durable ». De part et d’autre de cet espace vert – signe, la comme souvent, comme aux Halles d’une démission de la pensée et de l’imagination – Paris et la banlieue se trouveront opposes face à face. Il n’y aura aucun lien humain entre le haut de la rue de Belleville et la rue de Paris aux Lilas – espace qui sera traverse de bretelles de jonction et orne de « mares écologiques » ou flotteront des cannettes de bières vides. P109-111
Hazan Eric. Paris sous Tension. La Fabrique, 2011.
Chapter 6: The Soft Gated Community
Interior courtyard in a given building in Paris
At some point of the book, Eric Hazan describes the building he lives with as symptomatic of the way gentrification proceeds. This building, in Eastern Paris, is what he calls a ‘soft-gated community’. People who live there are mostly artists, designers, architects, editors, sociologists… and they maintain a relatively harmonious relationship between themselves and they share few courtyards in which kids are happily playing together. The gate of the building, however, can be open only with a code or a key thus preventing any exterior element to penetrate within the community. He insists on the fact that most of its inhabitant regrets such cleavage but end up accepting it anyway. This chapter is interesting as it is addressed to us, so called liberal artists and co who still did not find a very evidential response to gentrification that we are often participating to.
J’habite une résidence – que nous, ses habitants, appelons « copropriété » – juste à cote du restaurant de Ramona. La porte d’entrée, en bois sombre, n’a rien qui la singularise. Si on connait le code, on peut traverser le bâtiment sur rue par un hall, ferme à son extrémité par une grille. Elle s’ouvre avec une clef, mais on peut aussi appeler l’un ou l’autre des copropriétaires par interphone. Une fois cette grille franchie, on entre dans un autre monde : une succession de cours fleuries, des pelouses, des arbres, le ciel, le silence. Les allées sont ponctuées de vélos d’enfants, de meubles de jardin et de jouets en plastique. Les bâtiments d’habitation sont blancs et accueillants. La population est presque entièrement blanche elle aussi, y compris de sympathiques étrangers qui sont, comme les autres résidents, architectes, designers, informaticiens, gens de cinéma, artistes ou sociologues. Les enfants, nombreux, sont en sécurité, ils ne vont jamais joue dans la rue. Les femmes travaillent, les petits vont dans les écoles du quartier, très actives dans la défense des sans papiers. C’est une soft gated community dont les habitants aimeraient peut être qu’elle puisse être moins gated, mais que voulez-vous, les choses sont ce qu’elles sont. P98
Hazan Eric. Paris sous Tension. La Fabrique, 2011.
Chapter 7: For a more Democratic Architecture
Aaabierta by Recetas Urbanas (Santiago Cirugeda) in Granada (2006)
In a paragraph of the book, E.Hazan describes how we have to get rid of every official architects and urban planners and try to build a city with architects who design buildings within a democratic process (like Patrick Bouchain or Santiago Cirugeda for example). In this regard he describes a building in Paris that he saw being built and which seem to have left a very important freedom to the construction workers’ craftsmanship as well as its direct neighbors.
La première condition est d’éliminer tous les architectes officiels, toutes les vedettes, toutes celles et ceux dont les bâtiments comblent le vide colore des revues d’architecture – élimination d’ailleurs facile car la plupart d’entre eux auront émigré aux premiers signes de l’insurrection victorieuse. On se passera aussi des urbanistes, dont le métier était inscrit dans la lignée des pacificateurs coloniaux.
Alors, construire sans architectes ? Rue de l’Orillon, petite voie pauvre du XIe arrondissement de Paris, on peut voir a l’angle de la rue Morand un immeuble de deux étages (R+2) visiblement neuf. Passant presque tous les jours dans cette rue, j’ai vu avancer sa construction qui me rappelait ce qui se fait dans les camps de refugies palestiniens. Parenthèse : c’est dans ces camps – dans les moins misérables d’entre eux – que survit l’architecture « spontanée » des villages de Palestine, tandis que la bourgeoisie palestinienne se fait construire à Ramallah et ailleurs d’horribles immeubles pseudo-orientaux matines d’emprunts à l’architecture des colonies israéliennes. L’immeuble de la rue de l’Orillon se bâtissait semblait-il au rythme des matériaux que l’on avait pu acheter, tantôt briques et tantôt parpaings, et la forme générale paraissait évoluer selon l’inspiration des mâcons arabes. Et malgré cette apparente improvisation, une fois fini il est parfait : quand son crépi sera un peu patine, on aura l’impression qu’il a toujours été la.
Il y a eu un architecte pour cet immeuble – forcement : pas de permis de construire sans architecte- mais non seulement il ou elle a laisse les mâcons travailler a leur façon, mais il a tenu compte du lieu, de son ambiance, de son histoire, et sans doute du souhait des futurs habitants. P121
Hazan Eric. Paris sous Tension. La Fabrique, 2011.
Chapter 8: Scenario for a post-revolutionary Paris
Photomontage of the gipsy circus on the Presidential Palace’s loan as described by Eric Hazan in his book
The last lines of the book imagines a scenario in which an insurrection in Paris would have redistributed more equally the channels of power. Eric Hazan expects the construction workers currently working on office skyscrapers in La Defense to shift to residential work for social housing in this new Paris. Building immanently would cost ten times less than the current reflecting glass projects we see everywhere. The suburban youth would come to the center of Paris to offer its sensitivity and gipsy circuses would be installed on the Presidential Palace’s loan as well as in the austere Ministere of Education.
Qu’on ne demande pas combien de temps il faudra, ni combien d’argent. Tout ira très vite, car on ne construira plus de bureaux a Levallois ni de nouvelles tours a la Défense, si bien que les merveilleux artisans du bâtiment parisien viendront travailler en masse, et avec quel enthousiasme, pour loger leurs frères et sœurs de classe dans ce nouveau Paris. Et cette façon de bâtir coutera dix fois moins cher que les immeubles à façade verre réfléchissant qui faisaient l’orgueil des promoteurs avant leur fuite précipitée.
Un tel chantier accompagnera la montée de la tension au centre de Paris. Les jeunes et les moins jeunes habitants des quartiers sensibles de Colombes, Villiers-le-Bel ou Argenteuil n’auront plus peur ni honte d’apporter leur sensibilité dans les quartiers qui en sont le moins bien pourvus. Les vendeuses bronzées des magasins de luxe désertés les accueilleront, surprises d’abord puis enchantées de n’avoir plus affaire avec l’arrogance et le mépris. On se bousculera sous le chapiteau du cirque manouche installe sur la pelouse de l’Elysée et dans les salles de concert du ci-devant ministère de l’Education nationale, boulevard Saint-Germain. P123
Hazan Eric. Paris sous Tension. La Fabrique, 2011.
See the part 3 of this article: The Suburban Heterotopia